Mesdames et Messieurs, déshabillez-vous !
Aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec Valérie. Silhouette élancée, vêtue de beige, bouche peinte en rouge, Valérie est élégante. Douce et chaleureuse aussi, avec ses cheveux châtains, ses grands yeux chocolat et son visage ovale. Valérie a 38 ans, deux enfants et plusieurs vies professionnelles derrière elle.
Elle nous raconte sa passion pour le massage et nous parle de corps et de peau. Bienvenue dans un univers d’intimité !
Valérie, vous êtes masseuse. Comment parlez-vous des personnes dont vous vous occupez ? Sont-elles des « patients » ou des « clients » ?
J’utilise les deux termes. Mais le mot « client » me dérange parfois. Quand je le prononce, j’ai l’impression de travailler uniquement pour l’argent. Le mot « patient » est un peu connoté malade. Cela dit, je préfère parler de patients, car même sans maladie, le thérapeute prodigue un soin qui agit sur une douleur ou une tension. Un massage, c’est souvent de la prévention primaire : ça permet de prévenir, de rééquilibrer le corps avant l’arrivée de la maladie.
Devenir masseuse
Vous êtes donc une thérapeute. Qu’est-ce qui vous a amenée à devenir masseuse ?
À l’origine, je suis infirmière. Après plusieurs années dans les urgences pédiatriques puis dans une maternité, je n’ai plus supporté le stress du métier.
En devenant masseuse, j’ai gardé ce que j’aimais : le relationnel. La différence, c’est que maintenant j’ai du temps à consacrer aux gens.
Vous avez quitté un travail d’infirmière pour un autre type de soin à la personne. Passer de l’un à l’autre vous a-t-il aidé à appréhender la personne ?
Devenir masseuse après infirmière était une continuité.
Tout d’abord pour l’approche du corps ; c’est facile de toucher quelqu’un quand on a commencé par les soins infirmiers.
Puis j’ai utilisé les outils de mon premier métier, notamment au niveau communicationnel dans la relation d’aide.
Enfin, le diplôme d’infirmière comprend 700 heures de cours d’anatomie. Ceci m’a permis d’obtenir la reconnaissance[1] qui permet aux patients le remboursement des massages par les assurances maladie. C’est un élément important pour se constituer une clientèle.
On peut dire que vous vous êtes lancée dans la pratique du massage avec un avantage. Quand avez-vous débuté votre activité ?
J’exerce depuis trois ans en cabinet. J’ai démarré avec la formation de massage classique. Mais après deux ans, j’ai eu envie de connaître d’autres outils. J’ai découvert le brevet fédéral de masseur médical qui existe en Suisse romande depuis 2016 seulement. C’est une formation très complète. Je m’y suis inscrite il y a un an et devrais obtenir le papier d’ici deux à trois ans.
Brevet et nouvelles techniques
Vous avez une clientèle et vos prestations sont reconnues par les assurances maladie. Pourquoi encore étudier pour un brevet ?
Maintenant que le brevet fédéral de masseur médical existe, la situation va probablement changer à moyen terme. Il est possible que les conditions de remboursement par les assurances maladie se durcissent. J’imagine que dans quelques années, le brevet sera obligatoire. De plus, à 38 ans, c’était le dernier moment de commencer une formation qui dure trois à quatre ans.
Débuter cette formation vous a-t-il apporté ce que vous attendiez ; de nouveaux outils ?
Oui, j’ai découvert différentes techniques nouvelles et en particulier le massage du tissu conjonctif. C’est un soin que j’aime beaucoup, car il offre des résultats impressionnants.
Intéressant ! Pouvez-vous nous en dire plus sur ce type de massage ?
Les organes internes sont connectés à certaines zones de la peau par les nerfs. Ces régions sont dans le tissu conjonctif sous la peau et sont appelées points réflexes.
Si un organe dysfonctionne, une transformation se produit dans la zone réflexe correspondante. On voit alors des gonflements ou des compressions sous la peau. C’est là qu’on agit. Ce massage se focalise en particulier sur les zones réflexes situées dans le dos.
"Le corps est comme une machine que l'on met en route ; il lui faut du temps pour s'adapter."
Vous dites que les effets sont impressionnants. En combien de temps les obtient-on ?
Cette technique a un effet global et a pour but le rééquilibrage.
Il s’agit de modifier une dynamique dans le corps. C’est pourquoi au minimum quatre à cinq séances (six en général) sont nécessaires avec intervalle d’une semaine. Un seul massage ne servirait à rien. Car le corps est comme une machine que l’on met en route ; il lui faut du temps pour s’adapter.
Étant donné les bons résultats du massage du tissu conjonctif, vous arrive-t-il de le proposer à des patients qui ne le connaissaient pas ?
L’apprentissage de ce massage a aiguisé mon œil. J’ai pour habitude de commencer une séance par l’observation du dos et de la peau des patients. À l’œil nu déjà, je peux distinguer des dysfonctionnements. Le cas échéant, je propose un traitement adapté.
Par l’observation, j’accède à une sorte d’intimité corporelle. Je vois les blocages dans le corps des gens.
Intimité, pudeur, carapace et silence
Vous évoquez l’intimité. Remarquez-vous chez certaines personnes une gêne de se faire toucher ?
Il existe bien entendu des personnes pudiques. J'adapte toujours mes gestes à la sensibilité des patients. Dans l’absolu, pour un masseur, un corps nu est plus facile à masser. Cela dit, la plupart des personnes laissent leurs sous-vêtements. J’ai souvent constaté de la gêne chez les très jeunes femmes.
À propos de femmes, les massez-vous de la même manière que les hommes ?
Oui. Parfois, les hommes ont la peau et les muscles plus durs. Ils ont comme une carapace. Dans ce cas, je dois utiliser beaucoup de force et mettre tout mon poids dans le massage. En plus, les hommes aiment souvent des massages plus sportifs, plus énergétiques. Ce ne sont pas mes massages préférés.
Dans le massage, la qualité de la peau est déterminante et dans ce sens, les femmes sont plus faciles à masser.
Et les enfants ? Peuvent-ils aussi bénéficier d’un massage ? Faut-il adopter une technique particulière ?
On peut masser les bébés et les enfants. On y met simplement moins de force et on adapte la durée du soin. Dans le cas du massage du tissu conjonctif, il faut attendre l’âge de sept à huit ans.
Parfois, pour aider un enfant à être plus calme, j’intègre le toucher dans une histoire racontée.
"Masser ma maman a été le plus difficile."
Qu’en est-il des proches ? Les massez-vous de la même manière qu’un inconnu ?
Je trouve un petit peu gênant de traiter quelqu’un que je connais bien. C’est d’abord un proche avant d’être un patient.
Le plus particulier a été de soigner ma maman. Le massage le plus difficile pour moi. Mais au final, ça nous a rapprochées. Pendant ces moments privilégiés, des échanges plus intimes, plus personnels ont eu lieu. Grâce à ces rendez-vous de massage, nous avons eu du temps disponible pour parler.
Vous est-il arrivé de ne pas avoir envie de toucher quelqu’un, comme un feeling qui ne passe pas ?
Une seule fois, j’ai eu un a priori en voyant un patient. Il avait l’air d’un toxicomane négligé. C’était une fausse première impression, car en réalité, une belle relation de confiance s’est instaurée et ça fait une année qu’il vient chez moi.
Je n’ai pas le dégoût des odeurs ou du toucher. En plus, les gens viennent se faire masser relativement propres.
Dans votre cabinet, est-ce comme chez le coiffeur : certaines personnes parlent alors que d’autres se laissent manipuler en silence ?
Oui, certaines personnes sont logorrhéiques : elles parlent tout le temps. Ça m’indique une difficulté à se détendre. De la même manière, quelqu’un qui garde les yeux ouverts pendant le massage n’est pas totalement relaxé. Certaines personnes font l’apprentissage de la détente au fil des séances. Avec les personnes que je masse depuis plusieurs années et avec qui une relation s’est établie, il arrive que les dix premières minutes soient consacrées à la discussion, puis place à la détente. Pour ma part, je préfère masser mes patients dans le silence.
Fiction ou réalité ?
Quittons le monde du silence pour celui de l’intelligence artificielle, dont on parle beaucoup en ce moment. Pensez-vous que, dans le futur, des massages pourront être effectués par des robots ?
Oui, je pense que des tensions musculaires par exemple pourraient être libérées par un robot. Personnellement, je préfère la chaleur humaine. Mais c'est l’envie du patient qui compte. Des personnes très pudiques préféreraient peut-être avoir affaire à un robot.
Economiquement parlant, est-il réaliste de vivre en tant que masseuse ?
Je connais des masseurs actifs à 100% qui vivent très bien. Bien sûr, il faut être bon et le bouche-à-oreille fait le reste. C’est un métier où il faut donner de soi.
Et puisque nous parlons d’argent, que feriez-vous si vous gagniez cinq millions de francs à la loterie - l’équivalent de 10'000 francs par mois pendant 40 ans ?
Je me paierais une quantité de formations ! Et je garderais un petit pourcentage de mon temps pour prodiguer des massages. Ce que j’aime dans mon métier, c’est la relation d’aide.
[1] ASCA Fondation suisse pour les médecines complémentaires et RME Registre de Médecine Empirique